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30 décembre 2010 4 30 /12 /décembre /2010 12:00

Hypogriffe2

 

En juin je vous parlais d'un animal fabuleux,

le logogriphe.

Il ne s'est pas vraiment éloigné et la saison me semble propice à son retour.

Regardez bien autour de vous, il y en a sûrement, tout près.

 

Personnellement j'en ai rencontré un tout à l'heure, saurez-vous le débusquer ?

 

Grâce à lui vous pouvez aller vite ou bien vous arrêter

Retirez-lui le coeur, il sera blanc ou noir

Otez-lui une patte, il sera parasol

Coupez-lui la queue et vous aurez un avant goût de l'infini

 

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25 décembre 2010 6 25 /12 /décembre /2010 08:16

En ce jour de Noël, la paresse aidant, je reprends un article de l'année dernière.

 

 

Les mots qui retiendront notre attention aujourd'hui, en ce jour de Noël sont au nombre de deux : orgyie (pour les agapes sans agapètes qui se profilent à l'horizon de nos nuits blanches) et trématisé (pour les conséquences, les dégats collétéraux collatéraux).

En ce qui concerne l'orgyie, l'article de Wikipédia est assez bien documenté : le voici, in-extenso :
Une orgyie (en grec byzantin ὀργυιά / orguïà) est une brasse, une unité de mesure byzantine utilisée notamment par le fisc pour le relevé de la terre et le calcul de l'impôt foncier. On trouve deux orgyies différentes en usage : l'orgyie courte, ou simple (haplè orgyia) mesure 6 pieds ou 96 doigts soit 1,87 m et correspond à l'unité grecque antique homonyme (1,89 m). Elle est en usage dans le commerce et l'artisanat. Une seconde orgyie, dite philétairique, mesure quant à elle 9 spithames (empans) impériaux ou encore 108 doigts soit 2,10 m : c'est celle qui est employée par les arpenteurs. Sa valeur est modifiée par Michel IV qui la porte à 9,25 spithames, soit 111 doigts ou encore 2,17 m lorsqu'elle est employée pour mesures les terres appartenant aux deux premières qualités fiscales. L'ancienne orgyie est conservée pour les champs de troisième catégorie.

Matériellement, l'orgyie du fisc se présente comme un bâton ou une tige de roseau.



Mais, cerise sur le gâteau, j'ai eu l'opportunité d'obtenir, sur le web, une photo d'orgyie ; merci d'éloigner préalablement les enfants avant de cliquer ici

 

Il est temps maintenant de s'intéresser à un adjectif utilisé par les grammairiens :

trématisé, ée  sans surprise, ce terme de grammaire signifie : marqué d'un tréma. Il est donc clair que le père Noël a été, est et restera trématisé.
Certes, il n'est pas le seul, tous nos aïeux l'ont été avant nous, et pour peu que nous ayions une descendance, nous le serons à notre tour ; est-ce à dire qu'il l'ont été par le spectacle d'une orgyie ou pire encore, par un arpenteur byzantin ? Non, personnellement je penche pour un traumatisme de nature fondementale fondamentale provoqué par le fisc.

 

 

 

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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 08:00

Nat propose à la Communauté Croqueurs de Mots le défi n° 34 : je la laisse expliquer en quoi consiste ce défi.

 

"Je vous invite à donner libre cours à votre imagination en respectant la contrainte suivante :

La Liponymie :

Ecrire un texte en s'interdisant d'employer tel ou tel mot. Par analogie avec le lipogramme, cette activité pourrait s'appeler la liponymie (du grec léipein, laisser, manquer, et onoma, le mot). 

  Choisir un astre, soleil, lune, planète, étoile, comète, etc... en s'interdisant d'en écrire le mot (peut uniquement apparaitre dans le titre), lui adresser un voeux, un souhait, une prière.

  Poème en vers ou en prose, Forme libre, texte libre."

 

Voici donc une petite élégie consacrée à une planète qui m'est chère et que vous ne manquerez pas de reconnaître bien vite.

 

Les premiers sont d'enfant, ensuite ils sont d'amour et puis d'esprit, les coquins.

On les lance et ils volent.

On les laisse traîner, on les cherche, on ne les trouve plus.

On les mange, même crus, quelle saveur,

Quand bien même ils ne seraient pas propres !

On peut se payer d'eux, surtout quand ils sont rares ou précieux.

Certains font tache, d'autres se détachent, d'autres restent sur le bout de la langue.

Il en est de grands, il en est de gros, il en est de forts,

D'autres sont petits, faibles, tendres et fins.

On les bégaye, on les balbutie, on les scande, et parfois on les lâche.

Parfois on les pèse, mais ils peuvent être creux ou vides.

On joue avec eux, sur eux, ils sont parfois à double sens.

Tous ne sont pas beaux, il en est de grossiers, d'ignobles, d'obscènes.

On peut en avoir peur à juste titre car ils peuvent être dangereux, certains sont blessants, il y en a qui tuent.

Les militaires s'en servent, ils sont d'ordre, de passe ou de ralliement, ils sont parfois couverts.

Les thaumaturges en usent qui sont parfois vieillis, désuets, inusités, magiques,

Et moi, en disant celui de Cambronne, je pense avoir le dernier, celui de la fin.

 

 

 

 

 

 

 

 

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5 juin 2010 6 05 /06 /juin /2010 11:30

Hypogriffe2Il convient de ne pas confondre notre aimable logogriphe avec l'hypogriffe, dont vous avez une illustration ci-contre :

le logogriphe n'est pas un monstre fabuleux mais un innocent divertissement de l'esprit. Il s'agit d'une énigme faisant intervenir les lettres d'un mot, souvent en vers, mais ce n'est pas impératif. On doit deviner divers mots formés avec les lettres d'un mot principal également à deviner.

 

Si le logogriphe n'est pas un animal il a néanmoins une tête (la première lettre du mot à trouver), une queue (la dernière), un coeur (la lettre centrale) et des pieds (autant que de lettres, donc la tête, le coeur et la queue sont également des pieds).

 

Le logogriphe était déjà pratiqué dans l'Antiquité : Apulée, Ciceron en ont commis en leur temps.

Dans la poésie ouzbèque classique le logogriphe est une énigme donnant à découvrir un nom propre. C'est Mir Alisher Novoiy (1441-1501), considéré comme un phare du syncrétisme civilisateur musulman qui a donné au genre ses lettres de noblesse.

Le Siècle des Lumières a vu fleurir le logogriphe et il s'est pratiqué couramment jusqu'à la fin du XIXème siècle.

 

Je ne suis pas un fanatique du logogriphe, généralement fade et puéril mais comme en toute chose il y a des aimables amateurs et des auteurs de talent, tels que Claude Gagnière. Je reproduis ci-après un logogriphe de haut vol, signé Claude Gagnière.

 

Le plaisant animal ! Comment se peut-il faire

Qu'en lui coupant la queue il devienne sa mère

Et qu'entier il ait moins de pieds

Qu'une seule de ses moitiés ?

Entier, nous le mangeons ; mais, ô prodige étrange !

Réduit à sa moitié, ce coquin-là nous mange !

 

Si je savais dessiner je représenterais, uniquement avec les lettres de notre alphabet, un logogriphe doté de tous ses attributs : tête, coeur, queue et pieds compris, le tout formant un corps extraordinaire, le corps transformable, sectionnable à l'envi, le corps du logogriphe.

Mais j'y pense, si vous avez des fourmis dans vos crayons ou dans vos pinceaux, créez, chères lectrices, créez, chers lecteurs, vos logogriphes seront les bienvenus.

 

 

 

 

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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 12:00
Chacun de nous s'est amusé à chercher une anagramme amusante de son nom ou de celui de ses amis ; nous savons qui se cache derrière les noms de Alcofribas Nasier, Avida Dollars, Bison Ravi. Même le mot le plus long de la langue française, le célèbre ANTICONSTITUTIONNELLEMENT a son anagramme, ET NUL MOT, ICI, N'EST TANT LEONIN. (Claude Gagnière). Tous les personnages célèbres, hommes politiques, acteurs, sportifs ont été "anagrammisés" sans pitié.

Une anagramme peut s'avérer plus ou moins énigmatique, drôle parfois. En voici une qui  a la prétention de répondre à ces deux adjectifs ; je l'ai composée à l'occasion du mariage d'amis aimant les mots, c'est l'anagramme du menu de leur repas de noces, menu qui n'a pas manqué de dérouter les convives peu enclins aux orgies de lettres et autres exquis mots.

N'hésitez pas à chercher ce qu'ils ont bien pu manger ce jour là. Parmi les convives, seuls ceux qui ont tenté de déchiffrer l'anagramme en tout début de repas ont été à même d'y parvenir, les autres ont vu leurs capacités de décryptage sérieusement entamées par les breuvages.

Je vous donnerai le menu original ultérieurement, dans les commentaires. Bon appétit !

bouff'd'frite :

aléas s'y dépanna, aléas à demi-pointes,

aléas dard sec levé, boute-la, samba à gland amariné,

cran jumbo, trône hardi merde.


or lorrain, nomade puante


traces mange-dard cou rival sexuel agacé

cavet spermoderme cafiers & potences tv amorales


pâle faute d'orgasme


marbre oisif & trois chats cool avec licous


face

Si quelqu'un désirait mettre en forme ce menu, qu'il n'hésite pas, je publierai son travail.

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24 février 2010 3 24 /02 /février /2010 07:38

"Nous voyons très souvent des écrits condamnés           J.M. Déguignet

Pour dire franchement des franches vérités."

 

Ces deux vers de Jean-Marie Déguignet terminent

une "Adresse" rédigée peu de temps avant sa mort.

C'est au hasard d'une brocante qu'un livre de cet
homme hors du commun est arrivé entre mes mains.

Mendiant à 6 ans, puis vacher, il apprend seul à lire et à écrire le breton puis le latin et enfin le français. Il s'engage à 20 ans dans l'armée et il participe à la guerre de Crimée, à la campagne d'Italie, à la soumission de la Kabylie et à l'expédition du Mexique. De 1854 à 1868, soldat de Napoléon III il a le temps d'apprendre l'italien et l'espagnol et de se cultiver, encore et toujours, sa soif de connaissance est inextinguible. De retour en Bretagne il reprend une ferme à l'abandon et en fait une exploitation modèle, mais ses convictions politiques et religieuses lui font du tort (bel euphémisme) et il meurt dans la misère en 1905 après avoir écrit l'Histoire de sa vie.

Si vous pouvez vous procurer cet ouvrage vraiment extraordinaire, vous découvrirez un homme hors du commun ayant totalement échappé au formatage des esprits de son siècle et vous irez de surprise en surprise quel que soit le sujet abordé par Déguignet.

 

Je reproduis ci-après un extrait de ses écrits, tombés dans le domaine public, situé au tout début de "l'Histoire de ma vie".

 

 



MON ENFANCE



"Je vais commencer aujourd’hui un travail que je ne sais comment ni quand il se terminera, si toutefois il se termine jamais. Je vais toujours l’essayer. Je sais qu’à ma mort, il n’y aura personne, ni parent, ni ami, qui viendra verser quelques larmes sur ma tombe ou dire quelques paroles d’adieux à mon pauvre cadavre. J’ai songé que, si mes écrits venaient à tomber entre les mains de quelques étrangers, ceux-ci pourraient provoquer en ma faveur un peu de cette sympathie que j’ai en vain cherchée, durant ma vie, parmi mes parents ou amis. J’ai lu dans ces derniers temps beaucoup de vies, de mémoires, de confessions de gens de cour, d’hommes politiques, de grands littérateurs, d’hommes qui ont joué en ce monde des rôles importants mais, jamais ailleurs que dans les romans, je n’ai lu de mémoires ou de confessions de pauvres artisans, d’ouvriers, d’hommes de peine, comme on les appelle assez justement, — car c’est eux, en effet, qui supportent les plus lourds fardeaux et endurent les plus cruelles misères. Je sais que les artisans et hommes de peine sont dans l’impossibilité d’écrire leur vie, n’ayant ni l’instruction ni le temps nécessaires. Quoique appartenant à cette classe, au sein de laquelle j’ai passé toute ma vie, je vais essayer d’écrire, sinon avec talent, du moins avec sincérité et franchise, — puisque je suis rendu à un loisir forcé, — comment j’ai vécu, pensé et réfléchi dans ce milieu misérable, comment j’y ai engagé et soutenu la terrible lutte pour l’existence.

Je vins au monde dans de bien tristes conditions. J’y tombai juste au moment où mon père, alors petit fermier, venait d’être complètement ruiné par plusieurs mauvaises récoltes successives et la mortalité des bestiaux. Je vis le jour le 29 juillet 1834. Deux mois après, mes parents furent obligés de quitter la ferme de Kilihouarn-Guengat en y laissant, pour payer leur fermage, tout ce qu’ils possédaient, jusqu’aux objets les plus indispensables à leur pauvre ménage. Ils vinrent à Quimper avec quelques planches pourries, un peu de paille, un vieux chaudron fêlé, huit écuelles et huit cuil­lers en bois. Ils trouvèrent à se caser dans un misérable taudis de la rue Vili, rue bien connue à Quimper pour sa pauvreté et sa malpropreté. Nous y restâmes deux ans, pendant lesquels je fus constamment malade. Plusieurs fois, la chandelle bénite fut allumée pour éclairer mon passage dans l’autre monde. J’ai su tout cela, plus tard, par ma mère et par d'autres personnes qui nous avaient vus dans ce triste bouge.

Mon père, qui ne connaissait d’autre état que celui de cultivateur, ne trouvait rien à faire en ville, et nous étions cinq enfants à la maison, dont l'aîné n’avait pas dix ans. Il trouva enfin à louer un Penn-ty au Guelenec, en Ergué-Gabéric, et pouvait alors aller en journée chez les fermiers où il gagnait de huit à douze sous par jour. Il faisait, en hiver, des fagots de bois ou de landes. Nous avions aussi un peu de terrain où l’on semait des pommes de terre, de ces pommes de terre rouges, grosses et très productives, qui étaient alors la principale nourriture des pauvres et des pourceaux. Là, mon frère et ma sœur vinrent à mourir, par suite sans doute des misères et des privations qu’ils eurent à endurer dans ce cloaque infect de la rue Vili. Je me rappelle, car j’avais alors cinq ans, ces tristes et pâles figures qui n’avaient pas changé en passant de vie à trépas. Je me rappelle avoir vu ma mère ramasser de gros poux sur la tête de ma sœur après sa mort. Mon père et ma mère eurent l’air d’être contents : ils disaient que nous avions deux anges dans le ciel qui prieraient Dieu pour nous. Notre maisonnée, du reste, ne diminua pas, car j’avais déjà un autre petit frère, et une sœur ne tarda pas à venir. Le Dieu d’Abraham avait dit croissez et multipliez. Nous multipliions, mais nous ne croissions guère, car à six ans, je n’étais pas plus haut qu’une botte de cavalier. Cependant le grand air de la campagne m’avait donné la vie, la santé et un peu de vigueur. J’allais alors tous les jours chez les fermiers des environs demander à dîner, et souvent, après m’avoir bourré mon petit ventre de bouillie d’avoine, on me donnait encore des morceaux de pain noir et des crêpes moisies pour emporter à la maison.

À huit ans, ma mère me confectionna une besace, et j’allai dès lors, non plus dans une seule maison, mais de ferme en ferme, pieds nus, à peine couvert de quelques haillons sordides, récitant ma prière de porte en porte ; je rentrais le soir, exténué, avec ma besace pleine de grossières farines, de crêpes moisies et de rognons de pain noir. Je continuai ce métier sans interruption jusqu’à l’âge de dix ans et demi. J’étais la Providence de la pauvre maisonnée ; j’y apportais plus de bien-être que mon père qui, cependant, bûchait aussi du matin au soir. Chose curieuse, et qui étonna bien des gens de nos environs, c’est que j’avais trouvé le moyen, dans ce triste métier et dans le milieu ignorant où je vivais, d’apprendre à lire le breton. Voici comment : il y avait dans notre village, qui était assez grand, une vieille fille qui était restée à coiffer sainte Catherine, et qui ne s’occupait guère en ce monde que d’assurer son salut éternel. Elle avait été servante chez le curé, où elle avait appris à lire le breton, dumoins dans son livre de messe, et le catéchisme. Pour mieux mériter les grâces célestes, elle s'était donné pour mission d'initier tous les enfants du village aux saints mystères de la religion. C'était chez nous qu'elle venait faire le catéchisme, car elle aimait beaucoup ma mère qui lui racontait ses misères dans ce monde et la joie qu'elle avait d'être pauvre, puisque Jésus avait dit que les pauvres seuls seraient admis dans son royaume céleste. Ma mère savait aussi un grand nombre de cantiques édifiants, qu'elle chantait fort bien, d'histoires de revenants, d'hommes et de femmes enlevés par le diable au milieu de la danse, ou engloutis en terre pour s'être moqués d'une croix en passant devant elle ; des âmes de riches obligées de rester dans les caveaux, les cavernes ou au fond des étangs pour garder leurs trésors jusqu'à la consommation des siècles. D'autres femmes venaient encore chez nous, avec leurs grandes quenouilles et leurs longs fuseaux, accompagnées de leurs enfants, pour écouter les cantiques et les histoires, et aussi, sans doute, pour dire et écouter beaucoup d'autres choses. J'étais l'enfant gâté de la vieille fille, parce que j'étais gentil, disait-elle, docile et attentif, et parce que j'apprenais vite et bien. Au bout de dix-huit mois, je savais toutes les prières et tout le catéchisme sur le bout du doigt et lisais mieux qu'elle dans son vieux livre de messe, tandis que les autres étaient encore, pour la plupart, à bégayer les premières leçons du catéchisme : les trois quarts avaient renoncé à apprendre l'alphabet, et le reste était toujours dans les éternels b a ba, b o bo, b u bu."

 

oOo

 

Celles et ceux qui sont allés jusque là trouveront forcément le bouquin et ne le lâcheront plus. Plusieurs sites internet sont consacrés à J.M. Déguignet et on peut même trouver certains de ses textes sur Gallica.

 

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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 14:55
On pourrait longuement disserter sur l'utilité de la contrainte en poésie.
Je fais partie de ceux qui donnent la préférence à la prose poétique et qui n'apprécient guère les poèmes prosaïques.
Il faut tout de même admettre que le respect des règles de la versification classique peut apporter parfois des satisfactions aux amateurs de contraintes littéraires.
Amusons-nous un peu avec le sonnet, et plus particulièrement avec le sonnet classique français ; en voici un auquel j'ai ajouté une contrainte supplémentaire, l'acrostiche.


Complètement Sonnet


Alternance de rimes selon un plan précis,

Beauté de la césure qui aère le propos,

Bien calée dans le vers et pleine d'à-propos

Avec toujours en prime une relance du récit ;


Au deuxième quatrain l'espace s'étrécit,

Bientôt pour une rime il faudra faire la peau,

Bon sang mais c'est bien sûr, aux gens de l'Oulipo

Ainsi qu'aux rimailleurs aux vers indécis.


C'est d'autant plus certain qu'un bon sonnet classique,

Complètement français ou sonnet marotique,

Doit respecter toujours le bel abba abba


Et conclure sans faillir par deux jolis tercets

Dont le cc dédé en laisse plus d'un baba

En remplissant son vers sans trop tergiverser.

 



oOo
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15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 00:00

 

 

Elisee ReclusEncore un homme du XIXè siècle pour lequel j'ai une profonde admiration, Elisée Reclus, géographe, anarchiste et poète. De lui, je n'ai pas lu son ouvrage majeur, la "Nouvelle Géographie Universelle" en 19 volumes, mais deux petits livres magnifiques Histoire d'un ruisseau et Histoire d'une montagne. Il n'a pas le style de Julien Gracq, lui aussi géographe, mais il y a dans ces deux textes un amour de la terre et une poésie incomparables.

 

 

Voilà le début du texte, à vous de juger si cet homme est un géographe ordinaire :

 

"L'histoire d'un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l'histoire de l'infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont traversé le granit, le calcaire et l'argile ; elles ont été neige sur la froide montagne, molécule de vapeur dans la nuée, blanche écume sur la crête des flots ; le soleil, dans sa course journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ; la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées ; la foudre en a fait de l'hydrogène et de l'oxygène, puis d'un nouveau choc a fait ruisseler en eau ces éléments primitifs. Tous les agents de l'atmosphère et de l'espace, toutes les forces cosmiques ont travaillé de concert à modifier incessamment l'aspect et la position de la gouttelette imperceptible ; elle aussi est un monde comme les astres énormes qui roulent dans les cieux, et son orbite se développe de cycle en cycle par un mouvement sans repos.

Toutefois notre regard n'est point assez vaste pour embrasser dans son ensemble le circuit de la goutte, et nous nous bornons à la suivre dans ses détours et ses chutes depuis son apparition dans la source jusqu'à son mélange avec l'eau du grand fleuve ou de l'océan. Faibles comme nous le sommes, nous tâchons de mesurer la nature à notre taille ; chacun des phénomènes se résume pour nous en un petit nombre d'impressions que nous avons ressenties. Qu'est le ruisseau, sinon le site gracieux où nous avons vu son eau s'enfuir sous l'ombrage des trembles, où nous avons vu se balancer ses herbes serpentines et frémir les joncs de ses îlots ? La berge fleurie où nous aimions à nous étendre au soleil en rêvant de liberté, le sentier sinueux qui borde le flot et que nous suivions à pas lents en regardant le fil de l'eau, l'angle du rocher d'où la masse unie plonge en cascade et se brise en écume, la source bouillonnante, voilà ce qui dans notre souvenir est le ruisseau presque tout entier. Le reste se perd dans une brume indistincte.

La source surtout, l'endroit où le filet d'eau, caché jusque-là, se montre soudain, voilà le lieu charmant vers lequel on se sent invinciblement attiré. Que la fontaine semble dormir dans une prairie comme une simple flaque entre les joncs, qu'elle bouillonne dans le sable en jonglant avec les paillettes de quartz ou de mica, qui montent, descendent et rebondissent en un tourbillon sans fin, qu'elle jaillisse modestement entre deux pierres, à l'ombre discrète des grands arbres, ou bien qu'elle s'élève avec bruit d'une fissure de la roche, comment ne pas se sentir fasciné par cette eau qui vient d'échapper à l'obscurité et reflète si gaiement la lumière ? En jouissant nous-mêmes du tableau ravissant de la source, il nous est facile de comprendre pourquoi les Arabes, les Espagnols, les montagnards pyrénéens et tant d'autres hommes de toute race de tout climat ont vu dans les fontaines des "yeux" par lesquels les êtres enfermés dans les roches ténébreuses viennent un moment contempler l'espace et la verdure. Délivrée de sa prison, la nymphe joyeuse regarde le ciel bleu, les arbres, les brins d'herbes, les roseaux qui se balancent ; elle reflète la grande nature dans le clair saphir de ses eaux, et sous ce regard limpide nous nous sentons pénétrés d'une mystérieuse tendresse.

De tout temps la transparence de la source fut le symbole de la pureté morale ; dans la poésie de tous les peuples, l'innocence est comparée au clair regard des fontaines, et le souvenir de cette image, transmis de siècle en siècle, est devenu pour nous un attrait de plus."


Outre le désormais inévitable lien vers Wikipédia, je vous recommande très chaudement un article du monde diplomatique consacré à Elisée Reclus. http://www.monde-diplomatique.fr/2009/01/PELLETIER/16638


http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lis%C3%A9e_Reclus

 

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10 février 2010 3 10 /02 /février /2010 11:31
Beaucoup d'écrivains ont décrit la vie des paysans mais bien peu de paysans l'ont fait eux-mêmes. Aujourd'hui j'ai une folle envie de reproduire un tout petit extrait  d'un livre d'Emile Guillaumin, vrai paysan-écrivain : la vie d'un simple.

"J'allais avoir sept ans, on me confia la garde du troupeau.
Avant cinq heures, maman me tirait du lit et je partais, les yeux gros de sommeil. Un petit chemin tortueux et encaissé conduisait à la pâture. Il y avait de chaque côté des bouchures énormes sur de hautes levées, avec une ligne de chênes têtards et d'ormeaux aux racines noires débordantes, à la ramure très feuillue. Cela faisait cette "rue creuse" toujours assombrie et un peu mystérieuse - si bien qu'une crainte mal définie m'étreignait en la parcourant. Il m'arrivait d'appeler Médor, qui jappait en conscience derrière les brebis fraîchement tondues, pour l'obliger à marcher tout près de moi ; et je mettais ma main sur son dos pour lui demander protection.
.....
Mais la Breure elle-même était suffisamment vaste et magnifique par beau temps à l'heure matinale où j'y arrivais. La rosée, sous la caresse du soleil, diamantait les grands genêts dont la floraison vigoureuse nimbait d'or la verdure sombre ; elle se suspendait aux fougères dentelées, aux touffes de pâquerettes blanches dédaignées des brebis, aux bruyères grises, et masquait d'une buée uniforme l'herbe fine des clairières. Cependant que des bouchures, des buissons et de la forêt s'élevaient sans fin des trilles, vocalises, pépiements et roucoulements, tout le concert enchanteur des aurores d'été.
Pieds nus dans des sabots plus ou moins fendillés et informes, jambes nues jusqu'aux genoux, je sillonnais mon domaine en sifflotant, à l'unisson des oiseaux. La rosée des arbustes mouillait ma blouse et ma culotte dégoulinait sur mes jambes grêles. Mais ce bain journalier ne m'était pas défavorable, et le soleil avait vite fait d'en effacer les traces. Je craignais davantage les ronces rampant traîtreusement au ras du sol, sous le couvert des bruyères ; souvent j'étais arrêté, griffé cruellement par quelqu'une de ces méchantes ; j'avais toujours le bas des jambes ceinturé de piqûres, soit vives, soit à demi-guéries.
J'emportais dans ma poche un morceau de pain dur avec un peu de fromage et je cassais la croûte sur une de ces pierres grises qui montraient leur nez entre les plantes fleuries. A ce moment, un petit agneau à tête noire, très familier, ne manquait jamais de s'approcher pour attraper quelques bouchées de mon pain. Mais un second prit l'habitude de venir aussi, puis un troisième, puis d'autres encore - ils auraient mangé sans peine toutes mes provisions, si j'avais voulu les croire."

Si vous voulez en savoir plus sur Emile Guillaumin  http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89mile_Guillaumin

Petit berger
Il n'y a plus de berger de 7 ans en France. C'est sur le site http://jlbo.blogspot.com que j'ai trouvé cette photo d'un jeune péruvien gardant son troupeau d'alpagas.



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9 février 2010 2 09 /02 /février /2010 00:00

Je pensais en avoir fini avec les histoires d'o quand m'est revenue à la mémoire une perle d'o, illico je vous l'offre : voilà un extrait d'un texte de Pierre Mille, publié dans Le Chat Noir, le 10 mars 1887.

 

.....

Conspuant la vieillotte conception des antiques gâcheurs de rimes, amplification affadie d'un thème en outrées et déclamatoires redondances indigent, le génie himalayesque du jeune Maître ne demande qu'au choc d'un mot – un seul – d'une syllabe même, la fulgurante étincelle qui éveillera chez le lecteur le courant sympathique et isotherme à celui du poète, et l'entraînera à sa suite dans l'infini insondable des vides hypersidéraux.

Voici le joyau, en sa gigantesque simplicité :

 

LES EXTASES

Poème monosyllabe

par

Hayma Beyzar

 

 

Oh !!

 

 

Fin

 

Nous ne ferons pas à nos lecteurs l'injure de paraphraser la pensée de l'auteur, limpide pour les initiés suffisamment.

Cependant, pour les quelques aveugles de l'autre côté du pont des Arts qui achèteraient ce numéro ..., nous nous faisons un devoir de souligner l'idée d'une glose timide et sommaire.

Dans le vocable générateur, ou mieux communicateur "oh !", on remarque qu'il convient de distinguer :

1° La sonorité, ainsi que le grave bruissement des eaux des lacs, ou la mystérieuse harmonie des mondes, vague et voilée.

2° La couleur, violâtre et effacée, faisant songer aux horizons crépusculaires d'une mélancolique fin d'automne, ou, sous les primes attiédies d'avril, les parfums des grands bois.

3° L'odeur, affinée et délicate, comme de vanille subtilisée, - suaves senteurs de la vierge aux commençantes palpitations de son intimité charnelle émue.

4° L'articulation, douce, tendre, terminée par une quasi-muette expiration, signifiant palpitation, ou presque ressaisi aveu, ravie adoration : - ou forte, rude, avec finale râlante, exprimant la souffrance et réveillant la perturbation anhélante du pneumo-gastrique.

5° Les acceptions immédiates : Prière, - Admiration, - Rêve, - Ivresse, - Elan, - Indifférence, - Doute, - Horripilation, - Souffrance, - Mépris, - Colère, - Reproche, - Horreur, - avec toutes leurs nuances.

6° Les acceptions homonymiques : Eaux, - Haut, - Os ; - d'où envolement vers les cimes, les mers, les fortunes, - retour à l'origine squelettique des organismes.

7° Le sens hermétique ou symbolique ancien :"Ho..", cryptogramme de l'hommuncule ou microcosme – aperçu des mystères alchimiques et biologiques.

8° Le sens symbolique actuel : "O", Ligne de Batignolles –Clichy-Odéon, lanternes rouges, idée apocalyptique de l'oeil monstrueux des civilisations.

9° La notation chimique correspondante : "O", Oxygène, principe inéluctable de la vie organisée.

10° La notation algébrique : "0", zéro, symbole du néant, simple neutralisation de l'Universel, qui y subsiste à l'état d'impérissable germe.

11° Toutes les notions inverses et anti-typiques qui se dégagent, par voie de contraste, des précédentes.

Si l'on analyse, disons-nous, l'ensemble des impressions virtuellement contenues dans le monosyllabe communicateur ; - si l'on songe que de cette articulation naissent invinciblement, par un merveilleux procédé, par un mécanisme d'une admirable simplicité, des images, des sensations, des conceptions infiniment variées, d'une poésie tour à tour hiératique, macabre, tendre, voluptueuse, gourmande, hilare ou philosophique, d'une réalité d'autant plus intense que le sujet les a lui-même créées, sous l'effort d'assimilation que comportait le système brutal de l'affabulation terminologique ; - si l'on se rend compte qu'un mot suffit pour vous faire errer à travers les splendeurs d'un visible univers, rêver aux chaudes blancheurs des ventres spasmodiques des adorées entrevues, aux matités des ors serpentants des chevelures, nous plonger dans l'extase des vins précieux, nous transporter au seuil des impénétrés arcanes de la nature, on est contraint de proclamer qu'on se trouve ici en présence de la plus haute expression de la Poésie ; que l'oeuvre d'Hayma Beyzar est l'hyperesthésie du possible, et l'éperdue intuition de l'impossible, qu'elle réalise enfin la condensation géniale et radieuse de l'UNIVERSEL.

 

Pour paraître prochainement, - Léon Vanier, éditeur :

 

Ah ! (Les Ravissements), un vol. in-32 avec planches.

Eh ! (Les Indignations), d° d°

Hi ! (Les Gaités) d° d°

Hue ! (Les Chevauchées) d° d°

 

 

ooOoo

 

Apostille : les amis d'Achille Talon n'auront aucun mal à imaginer les dessins que le regretté Greg aurait pu réaliser pour illustrer cet article dans son intégralité.  Ah, Greg, tu nous manques !

 

Achille Talon

 

oOo

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